Évolution de l'homéopathie

Limiter l’homéopathie à la destinée d’un homme serait une vue réductrice car, c’est l’une de ses forces, elle est présente sur les cinq continents et ce depuis très longtemps.

Voici la réponse que fit en 1835 le ministre de l’Instruction publique, François Guizot, aux opposants à la nouvelle doctrine : « Si l’homéopathie est une chimère ou un système sans valeur propre, elle tombera d’elle-même. Si elle est au contraire un progrès, elle se répandra malgré toutes nos mesures de préservations (…) »

Un essor mondial

Au cours du 19è siècle, l’approche hahnemannienne se répand comme une traînée de poudre en Europe, mais aussi vers le « Nouveau Monde » (Canada, USA, Mexique) et la Russie. Elle atteint aussi l’Amérique du Sud (Brésil, Chili, Paraguay, Uruguay) et le continent asiatique (Chine, Inde).

Boenninghausen

Cette diffusion a de multiples raisons. La première est le formidable succès de l’homéopathie dans des maladies inguérissables par les moyens de l’époque. Ainsi, c’est à partir de guérisons spectaculaires que les propagateurs de cette nouvelle médecine se mobilisent. Tel le médecin allemand Boenninghausen, sauvé d’une tuberculose suppurée, ou le comte Sébastien Des Guidi qui, après la guérison de sa femme, orchestre une véritable « campagne publicitaire » auprès du corps médical. D’autres facteurs interviennent également : pression des groupes sociaux, influence de la presse, succès face aux épidémies de choléra et de fièvre jaune,remèdes non toxiques et de faible coût, traduction de « l’Organon » dans chaque langue nationale… L’extension de « l’Art de Guérir » va fluctuer selon les lieux et les périodes. Ainsi, vers 1860, la France compte environ 400 homéopathes sur 15.000 à 18.000 médecins…

Constantin Hering

Aux U.S.A. au contraire, l’expansion est très forte. Elle est l’œuvre de Constantin Hering (1800-1880), chirurgien originaire de Saxe. Chargé de dénoncer l’hérésie homéopathique par le Pr Robbi, il fait des expérimentations de substances sur lui-même pour prouver leur inefficacité. Littéralement surpris des résultats, il devient un fervent adepte de l’homéopathie. Il publie une superbe encyclopédie de matière médicale en dix volumes et fonde une école qui formera plusieurs milliers d’homéopathes.

James Tyler

Parmi eux, une autre figure marquante aux Etats Unis, James Tyler Kent. Professeur d’anatomie à vingt-huit ans, il démissionne de toutes ses fonctions pour se consacrer à l’étude de l’homéopathie suite à la guérison spectaculaire de sa femme par un vieil homéopathe. En 1882, il reprend une chaire d’anatomie et une autre de chirurgie. Quelques années plus tard, il devient le doyen de l’école homéopathique de Philadelphie. Ses conférences et écrits sont encore d’actualité, et il est le premier à réaliser un répertoire de symptômes, outil de référence primordial pour l’homéopathe uniciste. En 1900, le corps médical américain comptera 15% d’homéopathes.

Parmi les grands propagateurs de l’homéopathie, le français Benoît Mure. Traité par Des Guidi pour une tuberculose pulmonaire, il va se muer en un véritable « missionnaire » : en 1837, il ouvre son premier dispensaire à Palerme, en Sicile.

En 1840, il part au Brésil : il y fera des pathogénésies de remèdes locaux et créera en huit ans vingt-deux dispensaires.

Après avoir effectué la même mission en Egypte, il revient à Gênes traiter l’épidémie de choléra : 8% de mortalité dans ses dispensaires, au lieu de 60% !

Benoît Mure repart en Egypte : il y meurt en 1858, après avoir écrit 2.000 articles en français, italien, portugais et arabe.

En Angleterre, l’homéopathie est accueillie par la famille royale. L’hôpital homéopathique fondé en 1849 deviendra l’actuel Royal Homeopathic Hospital sous l’impulsion du médecin de la Couronne, Sir John Weir. Au XXème siècle, l’école anglaise s’est distinguée avec James C. Burnett, John H.Clarke et Margaret Tyler.

L'apparition d'autre façons de pratiquer

« Il n’est, dans aucun cas nécessaire d’employer plus d’un médicament à la fois » précise Hahnemann dans son « Organon de l’Art de Guérir » (paragraphes 272 et 274 de la 5ème édition). D’emblée, c’est ainsi que l’homéopathie est pratiquée majoritairement au niveau mondial. En France, les homéopathes sont inspirés par les grands sémiologues de l’époque, comme Laennec et Trousseau.

vitrine

Tout en restant dans une logique de similitude, ils mettent l’accent sur le tropisme physiopathologique des remèdes, réactualisent la conception de la maladie chronique d’Hahnemann (nommée alors diathèse) et prônent l’utilisation de remèdes draineurs.

Cette évolution de la pensée conduit alors à une spécificité française : la prescription simultanée de plusieurs remèdes, choisis suivant des critères précis.  L’homéopathie « à la française », devient ainsi « l’homéopathie pluraliste ». Sous l’égide de Léon Vannier, ce courant deviendra majoritaire en France et gagnera les pays voisins. De même, apparait le complexisme. Il mélange, dans la même préparation, des produits dilués et dynamisés. C’est le cas de la majorité des spécialités pharmaceutiques : elles ciblent un organe ou un diagnostic.

Pluralisme et complexisme correspondent à deux autres modalités d’application de la loi de similitude. Elles diffèrent de la pratique uniciste dans laquelle un seul remède est prescrit à la fois, quel que soit le nombre des symptômes et des pathologies du patient… Si nécessaire, d’autres médicaments suivront, mais toujours l’un après l’autre.

Du déclin au renouveau

Dans la première moitié du XXème siècle, l’avènement d’une médecine plus scientifique s’accompagne du déclin de la pratique homéopathique, mais depuis les années 1950, on assiste à un nouvel essor. La perception des effets secondaires de l’allopathie, le coût des traitements modernes parfois mal adaptés aux maladies courantes bénignes, la prise de conscience écologique et l’évolution des idées quant à la prise en charge médicale ont fait croître la demande homéopathique. Dans la plupart des pays, l’homéopathie retrouve de la vigueur, tout en restant majoritairement uniciste. En Amérique du Sud, par exemple, le mouvement homéopathique reste très dynamique. Il le doit à des personnalités comme Proceso S. Ortega (Mexique), Tomás P. Paschero (Argentine), Eugenio Candegabe (Argentine), Alfonso Masi-Elizalde (Argentine).

Pierre Schmidt

Dans les pays francophones, l’homéopathie pluraliste est alors de règle.

C’est un médecin genevois, Pierre Schmidt, élève d’un disciple de Kent, qui sera à l’origine d’un nouvel envol de l’homéopathie uniciste. Un grand nombre d’homéopathes français formés par lui diffuseront à leur tour en Europe les idées de Kent.

Parmi les acteurs de la renaissance de l’homéopathie classique, c’est-à-dire uniciste, citons les docteurs Georges Demangeat, Jacques Baur, René Casez. En Allemagne : l’homéopathie n’a cessé de se développer et son enseignement est unifié pour tous les médecins. 6 500 homéopathes classiques sont membres de l’E.C.H (source ECH – les membres).

Un tour d’Europe montre que l’homéopathie s’est implantée et développée sitôt qu’un groupe de médecins en a acquis la connaissance. L’école Belge en est un exemple.

Ce dynamisme est toujours d’actualité. A ce titre, signalons que les électeurs suisses ont voté à une forte majorité son intégration dans le système de santé. L’homéopathie est intégrée au système de santé en Suisse depuis 2012 et est remboursée comme thérapie complémentaire.

L'homéopathie aujourd'hui

L’Homéopathie dans le Monde en 2024 : Pratiques, Débats et Perspectives

L’homéopathie continue de diviser autant qu’elle séduit à travers le monde. Alors que certains pays l’intègrent pleinement à leur système de santé, d’autres la rejettent fermement. Voici un état des lieux de sa pratique actuelle.

1.L’Homéopathie en Europe : Entre Reconnaissance et Rejet

🌿Allemagne, Suisse, France : Ces pays historiquement favorables à l’homéopathie voient leur soutien s’éroder. La France a mis fin au remboursement en 2021, mais 56% des Français* y ont encore recours occasionnellement.

🌿Royaume-Uni : Le NHS (système de santé public) a drastiquement réduit son financement, mais les pharmacies britanniques continuent de vendre des remèdes homéopathiques.

🌿Espagne et Italie : L’homéopathie reste populaire, avec des hôpitaux publics proposant des consultations dans certaines régions.

*Source : sondage IFOP 2023

2. Amérique du Nord : Un Marché Privé Florissant

🌿États-Unis : 5 millions d’adultes utilisent l’homéopathie (NIH). Les remèdes sont vendus en pharmacie mais la FDA renforce sa régulation depuis 2020.

🌿Canada : Pratique encadrée pour les médecins, très prisée en automédication. Québec abrite plusieurs écoles agréées.

3. Inde : Le Géant Mondial de l’Homéopathie

🌿Avec 300 millions de patients et 200 000 praticiens, l’Inde consacre un ministère à l’AYUSH (médecines alternatives). L’homéopathie y est enseignée dans des universités publiques et utilisée dans des hôpitaux.

4. Amérique Latine et Afrique : Une Médecine Accessible

🌿Brésil et Mexique : Intégrée aux systèmes de santé pour réduire les coûts.

🌿Afrique du Sud et Nigeria : Utilisée en complément dans les zones rurales sous-équipées.